Groupe II
544 posts depuis le 3/4/2004 De : Lyon
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J'ai trouvé ce texte dans l'Almanach Vermot (une sorte de revue) de 1955. Ca date ! Il m'a bien plus alors je vous le fait partager.
Un amateur de cheval
La bruyère, de nos jours, eût tracé son portrait sous le nom d’Hippophile et j’imagine qu’en guise d’épitaphe, on graver simplement ces mot sur sa tombe : « Il aima le cheval ». Jadis, son écurie fut célèbre, ses couleurs favorites ; il connut la gloire. A présent vieillissant et quasi ruiné, il vit modestement à R…, où il entraîne quelques poulains, de pedigree médiocre, qu’il monte lui-même dans les épreuves de gentlemen, en province. Le champ de courses de R.. est à nos hippodromes suburbains ce qu’est Versailles à un jardin de curé. Mais à l’aube, au printemps, l’endroit, en plein centre de culture, est charmant : l’herbe y pousse comme elle veut, on marche dans la rosée et l’on trouble des conciliabules de lapin qui se chauffaient aux premier rayons de soleil. Chaque matin, grisonnant, un peu voûté, Hippophile y dirige l’entraînement de ses poulains. La tambourinade des galops résonne rythmiquement, les sabots font jaillir de la piste de sable des étincelles d’or. Les boys passe et repassent et le vent de la course s’engouffre dans leur chemise, de sorte que, tout petits sur leurs grands chevaux, ils semblent des nains bossus cramponnés à la crinière de l’hippogriffe… Le pavillon qu’Hippophile habite n’est pas grand. Du jardin exigu, il a fait un manière de paddock et pour remédier à l’étroitesse des écurie il a du transformer en box le rez-de-chaussée de la maison. Il dort, comme un lad, au-dessus de ses chevaux. Les heures de liberté que ses pensionnaires lui laissent, il les passe d’ordinaire dans la sellerie qui est le seul luxe de la villa. Il rêvasse, un cigare aux dents, devant les photographies dont les murs sont couverts. Toutes le représentent sur des chevaux de toute encolure et de toute robe ; en habit rouge, en tenue d’équipage, en casaque, au polo coiffé du bicorne de Saumur ; en cuirassier sur un alezan, en arabe sur une jument blanche à longue queue, lors du carrousel de charité donné chez Molier. De ce brillant de naguère au morne aujourd’hui, comme il y a loin ! De sa splendeur passée, il n’a gardé qu’un pur-sang qui fut célèbre sur le turf. La bête a vieilli en même temps que l’homme. Elle corne et ses jarrets vacillent. Pourtant, elle rafle encore des prix sur les hippodromes ignorés, en de lointaines provinces ! Il en est donc réduit là, comme un acteur oublié qui’ pour vivre, fait d’obscures tournée. Alors, Hippophile baise tendrement les naseaux de son cheval, puis il lui parle à l’oreille. Il lui demande pardon
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